Ces derniers jours ont été « rythmés » par des « explosions », même en pleine journée, ce qui m’a incitée à poser des questions sur ces détonations aux personnes expérimentées du service des pistes. Pourquoi est-ce qu’on déclenche toutes ces coulées ? Comment est-ce qu’on fait ? Est-ce que tout danger est évité pour autant? J’ai mené mon enquête auprès des pisteurs, afin de vous en faire profiter.

Le déclenchement préventif est un des moyens de se préserver des avalanches et il permet notamment de sécuriser les pistes, voire même les routes.. On choisit le moment : on peut ainsi fermer les pistes, fermer les routes. L’objectif est de supprimer « au plus tôt » le danger latent en déclenchant l’avalanche avant qu’elle ne se déclenche par elle-même ; et le fait de « purger » régulièrement les zones à risque permet de provoquer des avalanches moins importantes.



C’est vrai que la forte hausse de température de cette dernière semaine a brusquement modifié l’état de la neige, la rendant « très humide » et beaucoup plus lourde. Les avalanches dites « de printemps », formées de blocs informes très denses, ont un fort pouvoir dévastateur comme l’ont montré les images récentes de Saint François Longchamp et du télésiège dévasté par la coulée.

Les déclenchements ne sont pas un procédé récent : ils se faisaient pendant longtemps « à ski », c’est-à-dire que les pisteurs faisaient partir les avalanches avec leurs skis, ce qui était évidemment extrêmement dangereux. Mais depuis quelques années, les déclenchements se sont véritablement organisés et structurés, sous forme de PIDA (Plan d’Intervention de déclenchement d’Avalanche).

Les déclenchements se réalisent désormais à l’explosif (ou avec des mélanges gazeux explosifs) : c’est le moyen de mobiliser un maximum d’énergie sous un tout petit volume. L’explosion crée un ébranlement et dégage une grande quantité de gaz chauds. L’onde de choc va avoir de multiples effets sur le manteau neigeux, notamment celui de diminuer le coefficient de frottement. Par contre le danger peut demeurer pour les pisteurs dans la manipulation des explosifs ; c’est pourquoi ils bénéficient d'une formation spécifique d’artificier pour pouvoir manipuler ces explosifs.

Divers techniques sont utilisées pour lancer les explosifs :

Le grenadage à main : méthode simple et peu onéreuse, elle a fait beaucoup de progrès : on est passé des grenades fabriquées « artisanalement » à des tubes en polyéthylène (tube sismique), avec un manche qu’il suffit de visser pour sa mise en œuvre. Elles sont amorcées par un détonateur pyrotechnique avec mèche lente ou par un détonateur électrique. C’est la méthode la plus pratiquée. La vitesse de détonation se situe entre 2000 et 6000 m/s (pour une charge de 3.5 kg). L’explosif est plus efficace s’il est posé au-dessus de la neige, plutôt qu’enfouit sous la neige. Et si l’explosif est posé à quelques mètres au-dessus de la surface, les résultats sont encore meilleurs.

Le câble transporteur d’explosif (CATEX) : un câble tracte la charge, qui est amenée au-dessus de la zone à déclencher. Le cout reste peu élevé, mais par contre il faut que le profil de la pente se prête à l’installation du câble (pas possible dans un couloir ou une pente avalancheuse).

Le système de Gazex/Gazflex : ce sont ces gros tubes en acier qui forment un coude vers la pente (appelés aussi « dragons » et pas bien esthétiques il faut le dire !). Ils semblent sortir de la montagne ; en fait on y achemine, dans des canalisations distinctes, des gaz (oxygène et propane) qui vont créer un mélange gazeux explosif en sortie du coude. Un opérateur habilité commande à distance l’ouverture de vannes qui vont libérer la quantité désirée des deux gaz, puis il commande l’explosion, juste au-dessus de la surface de neige à purger. Cela va produire une surpression suivie d’une dépression qui va déclencher l’avalanche. Le Gazflex est un système analogue, à la différence qu’il repose sur un « ressort » qui amortit le choc à la sortie du tube, au moment de l’explosion. L’expérience montre qu’il faut à minima une pression de 25 mbar pour déclencher l’avalanche. Donc en fonction du volume du « tube » (0.8 à 3 m3), on va déclencher une avalanche plus ou moins « large ». Par contre, la contrainte est de devoir évaluer avant le début de saison, les quantités de gaz pour que les Gazex puissent être autonomes, car ils ne pourront pas être ré alimenter pendant la saison.

Le système Daisybell, dont s’est équipée notre vallée l’an dernier : il s’agit d’une « cloche » tractée sous un hélicoptère, qui contient des bouteilles d’oxygène et d’hydrogène. Un opérateur à bord de l’hélicoptère va commander l’explosion. Ce système bien que plus onéreux que les autres systèmes, présente l’avantage de pouvoir déclencher beaucoup de tirs dans les zones dangereuses et d’accès difficile, en un temps très court (60 tirs en 1 h)

Les déclenchements (PIDA) sont obligatoirement annoncés la veille au soir à la radio locale, et affichés dans plusieurs endroits de la station (ESF, Office du Tourisme, Service des pistes, Remontées mécaniques).

Ils se font généralement les jours de risque 3 ou plus. L’hiver dernier, par exemple, on a compté, dans la saison, 18 jours de PIDA, qui ont donnés lieu à 320 tirs environ (une grosse majorité sont des grenadages à main, une trentaine sont des tirs au Catex et une centaine de tirs au Gazex). Bien Sur, les déclenchements préventifs sont intimement liés à la météo et à l’enneigement et l’hiver en cours verra certainement ces chiffres augmenter.

Cela m’amène évidemment à rappeler qu’une des précautions à prendre avant toute randonnée, c’est de se renseigner pour savoir s’il y a un PIDA de prévu. Les autres précautions sont toujours bonnes à rappeler aussi : se renseigner sur la meteo et le risque d’avalanche (possibilité de venir consulter le BRA au service des pistes) ; se munir de l’équipement de base (Arva/pelle/sonde) ou sac ABS ; prévenir un proche de l’itinéraire et de l’heure de retour prévue. Et surtout être très prudent et savoir renoncer s’il y a des doutes sur la stabilité du manteau neigeux...

A bientôt

Valérie